La marque-employeur

Pourquoi, pourquoi?

Interrogation issue d'une conversation avec une copine travaillant en com interne: pourquoi, en cette période de recrutements en berne, les grandes entreprises continuent-elles de consacrer tant de temps, d'énergie et de moyens financiers à la promotion de leur image-employeur auprès de candidats potentiels à qui elles n'ont la plupart du temps aucun poste à offrir? Pourquoi chercher toujours à séduire les jeunes diplômés par le biais de forums ou de salons, alors que le temps qu'un poste se libère dans leur domaine de compétences, ils ne seront plus si jeunes et seront probablement passés à autre chose?

Question idiote sans doute... Question d'image et de visibilité.

Envie de figurer en bonne place dans le classement Universum, qui liste chaque année les entreprises préférées des étudiants de Grandes Ecoles, selon leur spécialité.

Besoin de susciter l'envie des meilleurs candidats et de conserver leurs références en attendant des jours meilleurs, qui ne peuvent manquer de revenir.



Les valeurs (coup de gueule...)

Aujourd'hui, quelle entreprise, grand ou petite, peut faire l'économie d'une réflexion sur les valeurs qui l'animent?
Même Marcel le Plombier s'y met, promettant clarté du devis et respect des délais.
On aimerait y croire...

Mais quand on parcourt la littérature institutionnelle d'entreprises à forte notoriété, on tombe des nues. Alors comme ça, vous accordez une importance capitale à l'éthique et au respect de vos salariés? Vous vous engagez contre la discrimination à l'embauche? Vous soutenez les bonnes pratiques en matière de développement durable?
Ouf... La France est guérie de ses inégalités et la planète est sauvée!

De qui se moque-t-on?

Autrefois, seules des entreprises réellement impliquées mettaient en avant leur engagement citoyen (souvenir ému du Body Shop des années 80, qui pratiquait avant l'heure le recyclage de ses flacons et militait contre les tests sur les animaux).

Désormais, la marque-entreprise version 2010 se doit d'être ouverte, tolérante et écolo.

Eh bien je m'insurge. La réputation d'une entreprise passe avant tout par la satisfaction de ses clients.
Et en ce qui concerne son image-employeur, elle sera bien davantage servie par des actes que par de belles paroles.
Attention, je ne dis pas que la communication est inutile (ce serait me tirer une balle dans le pied!). Mais la communication sans action ne peut être durablement efficace (ce qui explique probablement le léger déficit d'image dont souffre actuellement notre Président bien-aimé).

Pour valoriser son image-employeur, mieux vaut garantir à ses salariés revenus corrects et conditions de travail décentes que de les faire courir une fois par an pour le Téléthon. La première solution est certes plus coûteuse, et nécessite un engagement à long terme, mais elle aura un effet réel en cette ère du 2.0 où l'information circule entre les individus à la vitesse de la lumière dans une fibre optique, sans possibilité de censure, du moins dans nos démocraties occidentales.

Inversement, pour les mêmes raisons, une action concrète, un engagement sincère, même non médiatisés, finissent toujours par avoir des répercussions positives.

Les entreprises ne doivent pas oublier que leur meilleurs ambassadeurs restent leurs salariés.

Stratégies en a récemment donné un exemple avec la chaîne espagnole de supermarchés Mercadona: "Ma meilleure pub? Mes salariés" (08/07/2010).





Orange-France Télécom ou le complexe de Janus



Comment faire fusionner deux marques apparemment inconciliables?

C'est le pari fou que s'est lancé l'entreprise nationale de télécommunications au moment de sa privatisation (menée par étapes successives dans les années 90).

Pari presque gagné... C'était compter sans les salariés.

Il serait intéressant de réaliser un sondage auprès des Français: combien d'entre eux savent - ou du moins savaient avant la crise récente - que ces deux entreprises aux images bien distinctes sont en réalité une seule et même entité?

France Télécom, issue des défuntes PTT, c'était la lourdeur administrative, le Minitel, l'abonnement téléphonique obligatoire et d'interminables attentes dans des agences surchauffées.

Orange (troisième opérateur britannique de téléphonie mobile avant son rachat par France Télécom en mai 2000), c'est la modernité, l'iPhone, la course à l'innovation technologique dans un enrobage très zen.

Didier Lombard, Président déchu, avait presque réussi à faire oublier l'archaïque France Télécom au profit de l'ultra-moderne Orange.

Oui, mais... En passant d'une marque à l'autre, on avait tout changé, sauf les salariés. Contrairement à nombre d'opérateurs historiques dans le monde, France Télécom n'avait pas opéré de licenciements massifs lors de sa privatisation. Normal, ses salariés étaient pour la plupart fonctionnaires. Dès lors, il fallait trouver d'autres moyens pour les faire partir et satisfaire ainsi les attentes des marchés boursiers.

Le changement de nom de l'entreprise s'est donc accompagné d'une modification radicale des méthodes de travail et d'un management particulièrement agressif.
Ici, point d'accompagnement du changement, mais une dégradation vertigineuse du climat social menant à une vague de suicides présente à toutes les mémoires.

Si cette crise majeure ne semble pas avoir eu de trop lourdes répercussions commerciales, elle a eu un impact désastreux en termes d'image-employeur, que la nouvelle équipe dirigeante doit maintenant s'employer à redresser.


Vous trouverez dans la presse une multitude d'articles sur cette crise.
L'un d'eux, publié par Marianne2, a retenu plus particulièrement mon attention, car il détaille les méthodes de management en cause et les relie à la démarche actuelle de réduction des effectifs de la fonction publique.